Tourisme et territoire : gérer le passé et préparer l’avenir

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Comme tout processus d’utilisation du sol, l’activité touristique évolue au cours du temps par sa localisation, sa forme et son intégration. Ces évolutions résultent notamment de la demande et des règles en vigueur.

Cette recherche a pour objectif d’identifier les impacts et besoins territoriaux du secteur du tourisme et les confronter avec les disponibilités et contraintes – légales ou non – du territoire.

La recherche, menée durant trois ans (2020-2022), peut être divisée en quatre grands volets. Le premier constitue un état des lieux, actuel et rétrospectif, des principales infrastructures touristiques et des territoires concentrant les touristes en Wallonie. Il a fait l’objet de deux publications portant l’une sur les attractions, l’autre sur les hébergements touristiques. Le second volet brosse un portrait pluriel et à vocation opérationnelle de l’affectation du sol au Plan de secteur destinée aux activités touristiques ou récréatives : la zone de loisirs. Ce portrait a fait l’objet d’une note de recherche. Le troisième volet capitalise sur les acquis des deux premiers pour formuler des recommandations afin de mieux concilier le tourisme et ses évolutions et les objectifs de l’aménagement du territoire. Finalement, le dernier volet s’interroge sur les trajectoires spatio-temporelles de certains types d’hébergements, y compris après disparation de l’activité touristique. Il a été synthétisé dans une note de recherche. La méthodologie et les principaux résultats de ces quatre volets sont décrits ci-dessous.

 

Volet 1. Equipements et territoires touristiques

Cette partie a consisté à inventorier (localisation précise, capacité d’accueil ou fréquentation, accessibilité…) les principaux hébergements et attractions touristiques de Wallonie. La compilation de leur capacité/fréquentation offre l’opportunité de dégager des zones de concentration des flux de touristes et de caractériser celles-ci selon les activités/logements proposés. Ces territoires touristiques apparaissent concentrés spatialement (moins de 6% du territoire regroupent 85% des touristes), notamment au sein et autour des vallées encaissées de l’Ourthe et de ses principaux affluents et au niveau de la partie ardennaise de la Semois. A l’inverse, les vides touristiques relatifs concernent l’essentiel des plateaux limoneux et du Condroz, mais aussi une grande partie de l’Ardenne méridionale et de la Lorraine belge.

Au-delà de cet instantané, ce volet a été complété d’une analyse diachronique remontant au début du 20ème siècle. Cette analyse, focalisée sur les hébergements et réalisée à l’échelle des anciennes communes, a montré la permanence de certaines destinations touristiques, mais également les évolutions territoriales et typologiques du tourisme de séjour wallon. Ainsi, les vallées encaissées du sud du sillon Sambre-et-Meuse, qui furent parmi les premiers espaces à être mis en tourisme, ont connu des destinées divergentes au cours des cinquante dernières années : contraction des hébergements dans les vallées de l’Ourthe et de la Meuse à proximité de Liège et en amont de Namur, respectivement, c’est-à-dire là où l’urbanisation résidentielle s’est fortement propagée ; renforcement touristique de l’Ourthe et de l’Amblève avant leur confluence et diffusion vers les vallées et plateaux périphériques, dont les territoires au sud des Hautes Fagnes. Des pôles touristiques ont également émergé au niveau des Lacs de l’Eau d’Heure, à Louvain-la-Neuve et au nord-est du Pays de Herve, alors qu’un tourisme rural investi progressivement certains des espaces les plus vallonnés de la moitié nord-ouest de la Wallonie (Pays des Collines, nord du Condroz, vallée de la Sennette…).

 

Volet 2. Zones de loisirs au Plan de secteur

L’étude de la zone de loisirs a mis en évidence que les deux tiers de cette affectation du sol ne sont pas utilisés conformément à leur destination : les activités touristiques ou récréatives. Cet important gisement potentiel non mis en œuvre à des fins de loisirs a été caractérisé territorialement. Des outils ont été développés et mis à disposition des acteurs du tourisme et de l’aménagement du territoire afin de permettre la qualification de ces terrains pour le développement d’activités touristiques ou pour répondre à des besoins résidentiels.

Ici aussi, une étude rétrospective de cette zone du Plan de secteur est venue étoffer l’analyse. Elle a démontré que l’utilisation touristique des zones de loisirs est globalement stable à l’échelle régionale depuis les années 1990, voire en léger déclin lors de la dernière décennie. Il y a donc une non-adaptation durable entre l’affectation de loisirs et l’utilisation touristique. Les révisions de Plan de secteur impliquant la zone de loisirs n’ont que marginalement contribué à réduire cet écart, essentiellement via la révision de zone de loisirs en zone non urbanisable dans le cadre de compensations planologiques. Les zones de loisirs n’ont joué leur rôle d’organisation de l’espace touristique wallon que durant les quelques années qui ont suivi l’instauration du Plan de secteur.

 

Volet 3. Recommandations territoriales pour le secteur touristique

Les recommandations ont été réparties en deux catégories, celles relatives aux connaissances du secteur touristique et celles portant sur l’encadrement territorial de la fonction touristique.

Concernant la connaissance du tourisme wallon, la recherche a pointé la nécessité d’améliorer le suivi des équipements touristiques – y compris les hébergements non marchands – notamment via un archivage systématique, la création d’un cadastre des résidences secondaires et une meilleure collaboration entre administrations. Des pistes pour des recherches futures liant tourisme et territoires ont été identifiées.

Les recommandations relatives à l’encadrement du secteur touristique visent à la fois à favoriser le maintien ou le développement du tourisme là où c’est opportun (définition d’une stratégie territoriale touristique à l’échelle régionale, mobilisation du foncier à des fins touristiques via les outils du CoDT ou du développement économique, utilisation de véhicules juridiques…), à équilibrer les différentes fonctions au sein des espaces touristiques (taxation communale, règlements de police…) et à baliser le développement de nouvelles activités touristiques (caractérisation du potentiel et définition d’objectifs touristiques via les outils communaux, mise en place de critères d’aménagement du territoire et de mobilité lors de la sélection de projets touristiques, permis d’urbanisme pour la création d’hébergements touristiques par changement d’affectation du bien…).

 

Volet 4. Trajectoires et friches touristiques

L’objectif de ce volet est l’identification et la compréhension des phénomènes des friches au sein des hébergements touristiques. L’analyse comporte trois étapes : identifier et situer, dans le temps (1920-2020) et l’espace (la Wallonie), les trajectoires des hébergements et le potentiel déclin de ceux-ci ; s’interroger sur les raisons de la cessation d’activité ; explorer le changement d’usage du lieu auparavant touristique. Des entrevues avec les acteurs de terrain ont permis de compléter l’analyse. Le travail s’est focalisé sur plusieurs zones d’étude aux contextes territoriaux diversifiés (vallées de la Semois et de l’Ourthe, Liège et Entre-Sambre-et-Meuse) et sur deux types d’hébergements : les hôtels, d’une part, et les hébergements à forte emprise spatiale (campings, domaines de secondes résidences, villages de vacances), d’autre part. Un important travail d’inventorisation a permis d’identifier de manière aussi complète que possible les trajectoires.

L’étude de l’activité hôtelière a mis en évidence une dynamique importante dans la création et, surtout, la fermeture d’établissements. Environ 20% des hôtels actifs dans les années 1920 le sont encore actuellement. Les hôtels disparus sont pour la plupart sortis de la sphère touristique. La transformation en logements privés constitue la reconversion la plus commune. Les facteurs explicatifs de ces disparitions sont notamment liés à la structure interne de l’hôtellerie (petite entreprise familiale, bâtiments anciens en cœur de village) qui grève sa capacité d’adaptation (à la réglementation et à la demande) mais aussi à une concurrence grandissante d’autres types d’hébergements ou d’autres destinations.

Concernant les hébergements à forte emprise spatiale, une forte variabilité de leurs trajectoires, fonction de leur localisation et de leur typologie, est constatée. Ainsi, les disparitions concernent surtout les campings et les centres de tourisme social, les villages de vacances et les parcs résidentiels de week-end s’étant pour la plupart maintenus, moyennant parfois des transformations profondes. Les reconversions observées sont de quatre ordres : conversion progressive en espaces d’habitats permanents, réinvestissement – après abandon plus ou moins long – par le tourisme en adéquation avec la demande actuelle (villages de vacances de standing, glampings, cabanes dans les bois), transformation en espaces verts (voire agricoles pour certains anciens campings) ou en quartiers de logements.

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